Je retrouve, en rangeant quelques papiers, une carte postale du musée de Dijon reproduisant ce tableau de Konrad Witz que j’aime tant « l’Empereur Auguste et la Sibylle de Tibur ». La Sibylle (celle du Dies Irae « Teste David cum Sybilla… ») montre à l’empereur, dans le ciel, le signe de la croix annonçant la naissance de Jésus dont elle prophétise l’avènement divin. Le signe, prémisse de celui qui apparaîtra à Constantin à la bataille du Pont Milvius ou de celui qui promettra la victoire à Clovis à la bataille de Tolbiac contre les Alamans, n’est pas visible dans le champ du tableau, mais c’est bien sa lumière qui éclaire, selon un effet quasi cinématographique, le visage de l’Empereur habillé comme un prince du XVe siècle et de la Sibylle vêtue comme une dame des balades de François Villon (« dites-moi où, n’en quel pays est Flora la belle romaine… »). L’Empereur porte sa main au chapeau. Est-ce pour se découvrir ou pour se signer ? La Sibylle, elle, pointe l’index vers le ciel, vers le signe miraculeux. Son geste, au-delà de sa fonction démonstrative, reproduit le stéréotype de la confession de foi. C’est le geste de Jean Le Baptiste dans la grande crucifixion d’Issenheim (musée de Unterlinden de Colmar) qui montre le supplicié alors qu’un phylactère proclame « ecce agnus dei… » et qu’un autre, annonçant le destin tragique du précurseur, déclare « il faut que je décroisse pour qu’il croisse ». C’est encore le geste des anges dans le panneau de l’Ascension de la chapelle Scrovegni peinte par Giotto à Padoue qui semble dire « hommes de Galilée, pourquoi regardez-vous le ciel…). Le ciel toujours. Le visible et l’invisible. Les certitudes et les doutes.
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