Ce matin, à la radio, j’entends Michel Vauzelle au sujet de son projet d’ouvrir une consultation sur le nom de la région qu’il dirige, Provence-Alpes-Côte d’Azur. Il souligne que les habitants de la Bretagne peuvent se dire « bretons » et ceux de l’Alsace, « alsaciens », mais que ceux de PACA « ne savent pas comment se désigner eux-mêmes ». Il a raison, le caractère artificiel de certaines régions françaises (PACA, Rhône-Alpes, Centre…), le caractère improbable de leur appellation ne sont pas propices à l’émergence d’une conscience régionale. Je suis persuadé que la réorganisation du cadre territorial de la France aurait dû être l’occasion de la redéfinition de l’espace des régions de manière à mieux les enraciner dans l’histoire, dans la géographie et dans les réalités humaines et économiques qui en déterminent l’identité et la cohérence actuelles. S’agissant de PACA, je suis sûr que la dimension, « Provence », même si elle ne recouvre pas exclusivement et historiquement ce vaste territoire (le Comtat Venaissin, le Comté de Nice… n’en firent pas partie) peut être aujourd’hui considérée comme l’identifiant le plus sûr de ce territoire. Partout, on s’y adonne plus ou moins à la « Cuisine provençale ».
Souvenirs
Je retrouve, en classant des dossiers, ce texte écrit le 7 mai 2008, dans le train entre Paris et Cologne où j’allais retrouver Werner Spies pour l’inauguration, à Brühl, d’une exposition consacrée à Max Ernst dont il était le commissaire.
"Dans le Thalys entre Paris et Cologne, ce 7 mai, sous un soleil éclatant. La campagne est magnifique, parfaitement épanouie et verte à l’infinie. La Picardie, l’Artois, le Hainaut, le Brabant… défilent. Alternance de lecture - des journaux et la biographie de « Julien dit l'Apostat : Histoire naturelle d'une famille sous le Bas-Empire » de Lucien Jerphagnon – et de rêveries. Le train est propice à la rêverie. Le rythme, le balancement léger des rames, les conversations amorties par le tissu des sièges, le babil des langues, l’allemand, le flamand, l’anglais, le français…
…7 mai, vers 18h. Il y a six ans très exactement que je partais du Centre Pompidou pour le ministère de la Culture qui venait de m’être confié. Le matin même, Jean-Pierre Raffarin m’avait appelé pour m’informer qu’« en accord avec le Président de la République » qui venait d’être réélu, Jacques Chirac donc, il envisageait de me charger de ce ministère en me précisant que jusqu’à l’annonce de la composition du gouvernement, il « ne fallait pas considérer que cette proposition était définitive, que tout pouvait encore changer… Vous savez bien les règles et les difficultés de la composition du Gouvernement, etc. » J’attendis donc que Philippe Bas, devenu Secrétaire général de la présidence de la République, par l’ascension de Dominique de Villepin au ministère des Affaires étrangères, paraisse sur le fameux « perron de l’Elysée » pour bien réaliser que j’étais ministre. Pendant la journée, j’avais pris la précaution de réunir quelques futurs collaborateurs, Guillaume Cerutti comme possible directeur de cabinet, Dominique Vinciguerra comme chef de cabinet, Eric Gross comme conseiller, au cas où il faudrait passer du IVe au Ier arrondissement. Guillaume Cerutti appela très vite Jacques Vistel, directeur de cabinet de Catherine Tasca qui était ministre depuis 2000. Ils convinrent que la passation des pouvoirs pouvait être rapidement faite, ce que nous fîmes dans la soirée même, entre 19 et 20 heures, dans le salon Jérôme, devant une assistance clairsemée – on était à la veille du 8 mai, à la veille d’un pont de surcroît. Les collaborateurs de Catherine Tasca étaient bien sûr présents autour d’elle. Elle avait souhaité que cette formalité républicaine fût sobre et brève. Comme c’est l’usage nous eûmes un entretien avant de dire quelques mots devant la petite société encore présente rue de Valois à cette heure-là. Nous avions, elle et moi, parfois eu des relations tendues. Nos divergences politiques supposées étaient connues et, je l’admets, il m’était arrivé d’aller au-delà de ce que permettait ma situation de président d’un établissement de son ministère. Il est vrai qu’on était en cohabitation et que cette situation de partage de la responsabilité entre un gouvernement et le président de la République, créait une sorte de tolérance à l’égard de comportements moins fréquents quand l’Etat se présente sous un seul visage."
Catherine Tasca
Cela dit notre relation ne fût jamais mesquine. Catherine Tasca me marqua à plusieurs reprises de l’attention et même de la cordialité, notamment en 2001 quand je faillis être emporté par une maladie infectieuse. Je sais que je l’ai souvent contrariée. J’ai cependant pour elle de l’estime et du respect. Elle n’a jamais cédé à la démagogie. Elle s’est toujours détournée, jusqu’à marquer une certaine raideur, de la tentation de livrer le destin du ministère de la culture à la superficialité. Elle, elle y a marqué des convictions et de la constance. Lui ayant succédé, j’ai mieux mesuré la difficulté de ce qu’avait été sa mission. J’ajouterai que nous avions l’un et l’autre, de l’amitié pour Claude Pompidou et que ça suffisait pour ne pas se sentir complètement étranger l’un à l’autre. »
Commentaires
Vous pouvez suivre cette conversation en vous abonnant au flux des commentaires de cette note.