A l’invitation de Pierre Loudmer, je vais rue Gager-Gabillot, visiter l’atelier d’Emile Gilioli (1911-1977) qui y vécut plusieurs décennies. Le quartier a changé depuis que l’artiste s’y était installé. Aux petites maisons se sont substitués des immeubles massifs, pas toujours très heureux… C’est ainsi que le 15e arrondissement est devenu une « grande ville » de plus de 150 000 habitants. Pierre Loudmer me rappelle que le Centre Pompidou lui avait consacré une exposition en 1979. Il m’en remet le catalogue. J’y relis une belle préface de Pontus Hulten, alors directeur du Musée d’art moderne, et un texte de Germain Viatte qui assura le commissariat de l’exposition.
Gilioli a produit une œuvre rigoureuse où se retrouvent à la fois les marques des « tendances » de son époque et celles de sa personnalité obsédée par la rigueur des formes. Contemporain d’une partie de la carrière de son aîné Constantin Brancusi (1876-1957), il marque souvent la même prédilection pour certains matériaux, le laiton poli ou le marbre ou encore pour certains partis-pris comme celui de l’association d’une sculpture strictement polie avec un socle grossier et rugueux.
Une nouvelle fois, je m’interroge sur ce processus subtil qui fait, pour des raisons sans doute objectives pour certaines et plus aléatoires, si ce n’est accidentelles, pour d’autres, qu’un artiste est reconnu, qu’il est consacré, qu’il s’inscrit définitivement dans une histoire de l’art largement partagée. L’œuvre de Gilioli, si on en juge par sa fortune critique, sa fortune institutionnelle et son marché n’est pas dans la position qu’on aurait pu imaginer lui être destinée dans les années 70. Il y a cependant, on le sait, des exaltations qui finissent par se tasser et des négligences qui finissent par se résorber. C’est là que le tricotage du travail de la critique, des institutions et du marché joue pleinement un rôle, celui de mettre ou de remettre les choses à leur place.
Commentaires
Vous pouvez suivre cette conversation en vous abonnant au flux des commentaires de cette note.