Patrick Dupond a été un danseur magnifique, maîtrisé et sauvage à la fois, intuitif et généreux. Sa rencontre aura éclairé quelques belles années de ma vie. Je le salue avec tristesse.
— Jean-Jacques Aillagon (@aillagon) March 5, 2021
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Mes chers concitoyens,
J’ai fait, il y a quelques années déjà, le choix de me fixer parmi vous, à Plougasnou. Cette commune du Finistère est devenue la mienne, celle où je vis, celle où je vote. C’est la raison pour laquelle j’ai estimé qu’il était de mon devoir de contribuer, autant que possible, à son développement en mettant à la disposition des Plouganistes mon expérience, ma connaissance de la vie publique et les relations qu’une longue vie professionnelle m’a permis de cultiver.
Pour donner corps à cet engagement, j’ai accepté de prendre place, aux élections municipales des 15 et 22 mars prochains, sur la liste que conduira Nathalie Bernard. Je l’ai fait parce que j’estime l’actuelle maire de Plougasnou dont je connais la compétence, la disponibilité et le dévouement aux intérêts de sa commune. Je l’ai également fait parce que je sais combien les communes, comme toutes les collectivités locales, ont besoin d’une certaine stabilité de leur gouvernance. C’est sur deux mandats au moins que s’accomplit l’action d’un maire et qu’elle se juge. J’ai enfin fait ce choix, parce que je suis sensible à la diversité des personnalités que Nathalie Bernard s’apprête à rassembler sur sa liste au service de Plougasnou et de ses habitants. La commune, dont chacun d’entre nous connaît les atouts mais aussi les difficultés, aura besoin de la coalition de toutes ses compétences.
Si les Plouganistes renouvellent à Nathalie Bernard leur confiance et lui donnent un deuxième mandat, c’est au sein de Morlaix Communauté, notre communauté d’agglomération, que je souhaiterais m’investir plus particulièrement. Cette communauté exerce des compétences désormais larges et qui concernent de nombreux aspects de notre vie quotidienne ainsi que l’avenir de notre territoire. C’est une raison de plus pour que Plougasnou prenne part à son action, de la manière la plus déterminée.
Je me dois aussi de vous éclairer sur la signification politique de mon engagement. Il est vrai que la maire et moi ne venons pas du même horizon politique. J’ai été ministre de la Culture de Jacques Chirac. J’appartiens au MoDem de François Bayrou et suis membre du bureau exécutif de ce parti. Nathalie Bernard vient, elle, de la gauche socialiste et reste fidèle à ses convictions, ce que je respecte. Nous avons cependant estimé que l’élection municipale avait justement vocation à permettre, aux uns et aux autres, de surmonter ces nuances partisanes, dans le seul souci des intérêts d’une commune qu’ils aiment et qu’ils veulent servir. Ma candidature aux côtés de Nathalie Bernard ne relève donc pas d’un calcul partisan mais d’un engagement civique. Je veillerai d’ailleurs, au cours de la campagne, à marquer aux autres candidats mon respect républicain pour la part qu’ils prennent à la vie démocratique.
Je vous confie, chers concitoyens, ces quelques réflexions et vous remercie à l’avance pour l’attention que vous voudrez bien leur porter.
Jean-Jacques Aillagon,
ancien ministre
Avant même que le rapport commandé par le Président de la République à Felwine Sarr et Bénédicte Savoy sur les restitutions du patrimoine culturel africain ne soit remis au Chef de l’État, la presse s’en faisait déjà largement écho. La diffusion précipitée d’un rapport destiné à accompagner la réflexion de la puissance publique ne manque pas de surprendre par sa désinvolture. On ne peut que regretter le manque de confidentialité que cela traduit et cela, d’autant plus, que ledit rapport concerne un sujet sensible, comme l’ont montré, au cours des dernières années, les débats sur quelques restitutions à des États tiers engagées par la République française.
Le rapport étant bientôt accessible in extenso en librairie, chacun pourra s’en faire une idée et, tout d’abord, apprécier la qualité des mises en perspective historiques qu’il propose. Chacun pourra, surtout, se rendre compte que ce rapport constitue, plutôt, un véritable manifeste dont les attendus et les conclusions sont soutenus par la conviction préalable et les engagements de ses auteurs. La place qui y est donnée à la contradiction ou, au moins, au développement d’opinions réservées est extrêmement faible. La liste des personnalités consultées, aimablement désignées comme des « critical friends » exprime, de la même façon, le désir de soutenir un point de vue plutôt que de le nuancer.
Les conclusions du rapport sont radicales : les collections d’art africain conservées par les collections publiques françaises procèdent, pour l’essentiel, d’une situation de violence, la colonisation. C’est la raison pour laquelle leur possession est illégitime. La seule réponse à cette situation condamnable est la restitution pure et simple des œuvres concernées, sauf à pouvoir démontrer, pour celles acquises après 1960, qu’elles l’ont été dans des conditions respectueuses de la pleine liberté des deux parties. La mise en œuvre de telles recommandations aurait pour effet de vider les collections africaines des musées français et, en tout premier lieu, celles du Musée du Quai Branly-Jacques Chirac où elles seraient remplacées par des copies ou des évocations virtuelles !
Sans préjuger du sort que le Président de la République voudra bien donner à cette réflexion, on ne peut que souhaiter qu’elle ne soit pas considérée comme une prescription qui aurait une autorité suffisante mais, seulement, comme l’une des contributions possibles à une réflexion et à un débat réellement élargi à toutes les parties concernées. A cet égard, il y aurait, tout d’abord, lieu que le ministère de la Culture y prenne la place qui est la sienne. C’est lui qui a la responsabilité des collections nationales. C’est lui qui assure la tutelle des établissements publics qui en ont la garde. C’est lui qui a la charge de veiller au respect des règles qui s’appliquent à la conservation des œuvres du patrimoine public, telles qu’elles ont été rappelées dans la « Loi Musées » du 4 janvier 2002. La mise en question de la règle fondatrice de l’inaliénabilité des collections d’art et d’archives de l’État, quoi que l’on en pense, ne peut être expédiée par le seul point de vue de deux rapporteurs, aussi sincères soient-ils. Elle pose un vrai problème de politique culturelle et ne saurait, donc, être traitée si le ministère en charge de la Culture était, comme c’est le cas trop souvent, mis à l’écart de décisions qui concernent de façon éminente sa mission et, même, son existence. Les questions que soulèvent ce rapport ne devraient pas, de ce fait, être l’apanage du Quai d’Orsay et sacrifiées à des considérations de seule opportunité diplomatique.
On ne voit pas davantage comment la France pourrait seule s’engager dans un tel débat et, encore moins, dans un tel processus, sans concertation avec les autres nations européennes dont les collections sont issues de la même histoire politique mais, aussi, de la même histoire culturelle. Si l’Union Européenne, comme espace culturel à bâtir avait un sens, c’est précisément parce qu’il faudrait que des débats comme celui-ci y deviennent des débats partagés. Leur dimension transcontinentale ne manquerait, d’ailleurs, pas de s’étendre à la question de la possession par les musées européens d’œuvres issues d’autres continents que l’Afrique. On devrait, alors, en référer aux organisations internationales compétentes, notamment l’UNESCO, d’autant que ces organisations ont, à plusieurs reprises, au cours des dernières décennies, pris position sur des questions adjacentes, comme celles qui concernent le trafic illicite des biens culturels illégalement exportés. Puisque contrairement au Président Donald Trump et à quelques autres, nous sommes attachés au multilatéralisme, pratiquons-le.
Quelle que soit la légitimité de la réflexion stimulée par le rapport de Felwine Sarr et de Bénédicte Savoy, quelle que soit l’opportunité morale et politique de s’interroger collectivement sur l’amélioration d’un accès direct des africains aux œuvres issues de leurs cultures, il faut, cependant, se garder de tenir pour révolue une grande idée, celle de l’existence de musées universels ou de constellations de musées – comme c’est le cas à Paris, avec le Louvre, Orsay, Guimet, le Quai Branly-Jacques Chirac – qui construisent un discours universel sur l’histoire civilisations. Même si l’on considère que la volonté de l’Occident de créer et de faire prospérer ces musées a été un indice de son désir symétrique non seulement de connaître le monde mais encore de le dominer, l’idée, elle-même, demeure la marque d’un progrès dans la prise de conscience de l’égale dignité de tous les êtres humains et de la nécessité de considérer toutes les civilisations avec le même respect. Cette grande ambition est toujours féconde et doit être partagée avec le monde entier et, surtout, avec les pays africains, puisque c’est d’Afrique qu’il est question. Si l’on se mettait à « révoquer en doute » une idée aussi forte, on en viendrait, immanquablement, à considérer que tous les principes qui visent à l’universalité, comme celui de l’existence de droits universellement partagés par tous les êtres humains, pourrait être ébranlés. A cet égard, les prescriptions des rapporteurs, même si ce n’est pas leur volonté qu’il ne faut pas caricaturer, conduirait à un « chacun pour soi », à un « chacun chez soi », très éloignés de ce que l’on peut estimer être le chemin d’un progrès authentique.
Qu’adviendra-t-il de tout cela ? On ne peut qu’espérer qu’au radicalisme catégorique d’un rapport qui agite l’opinion, on préfère les voies courageuses, mesurées et raisonnables d’une coopération renforcée avec les pays africains et cela, d’autant plus, comme le disait déjà, en 1978, le directeur général de l’UNESCO de l’époque, Amadou-Mahtar M’Bow, « certaines œuvres partagent depuis trop longtemps et trop intimement l’histoire de leur terre d’emprunt pour que l’on puisse nier les symboles qui les y attachent et couper toutes les racines qu’elles y ont prises ». Là aussi, il appartiendra au ministère de la Culture dont la vocation en matière de coopération culturelle internationale devrait être renforcée, de prendre les devants et d’accompagner, en bon pilote, les engagements de ses musées.
Ma tribune publiée le 24 novembre 2018 dans Le Figaro.
Tribune par Jean-Jacques Aillagon, ancien ministre.
L'élection du dimanche 7 mai, qui conclut un processus électoral plein de rebondissements et de victimes, offre aux Français la formidable possibilité de tourner la page, et même d'en tourner plusieurs.
La première page qu'on aimerait voir tournée, c'est celle de la présence envahissante du Front national dans l'espace politique de notre pays. Le débat du 4 mai a tellement mis en évidence les insuffisances, la rouerie, la médiocrité de la candidate de ce parti, qu'on a peine à croire que, plus longtemps, des électeurs, même désorientés par les difficultés qui s'imposent à leur existence, continuent de lui apporter leurs suffrages. Tout dans ce parti n'étant qu'exploitation du malheur et instrumentalisation de la détresse, plus rien n'autorise à imaginer qu'il serait devenu « normal ». Même si le front républicain ne s'est pas exprimé de façon aussi immédiate et massive qu'en 2002, de nombreux appels, clairs, nets et désintéressés à voter pour Emmanuel Macron, montrent, s'il le fallait, à quel point le front du refus de ce que représente le FN est profondément enraciné dans la conscience politique du peuple français.
Autre page qui se tourne, c'est celle de quelques décennies de l'histoire politique de la France contemporaine, décennies caractérisées par la domination des deux partis qui se disaient glorieusement « de gouvernement » et auxquels l'élection du 23 avril a réservé un si mauvais sort. Aujourd'hui, la situation invite à une totale recomposition du paysage politique, à l'émergence de nouvelles expressions partisanes, dont celle d'En marche !, à la possibilité, et même à la nécessité de susciter de nouvelles formes d'alliances, de nouveaux types de majorité, autour de projets, et tout simplement d'un projet de gouvernement. Voilà bien le premier prodige que l'irruption d'Emmanuel Macron sur la scène politique de notre pays aura suscité. Puissent les partis « historiques » face à une situation aussi inédite ne pas se laisser aller, dès les législatives, à la tentation de restauration de l'ordre antérieur des choses, mais sachent devenir eux-mêmes des acteurs efficaces de cette recomposition, après avoir accompli les aggiornamenti que leur imposent les contradictions si nombreuses et fortes qui les agitent depuis de nombreuses années.
La page qu'il appartiendra, par ailleurs, à Emmanuel Macron de tourner, c'est celle de la manière même d'exercer le pouvoir exécutif, afin de redonner à la démocratie la vitalité et la lisibilité dont elle a besoin. Il lui faudra replacer à son juste niveau le rôle du président de la République, rétablir entre lui-même et le Premier ministre qu'il aura choisi un équilibre réellement conforme à l'esprit de nos institutions, veiller à ce que la composition du gouvernement soit adaptée à l'ambition qu'il a désignée à son projet, en évitant toutes les facilités auxquelles conduit la seule préoccupation de l'affichage. Il lui faudra également savoir, le moment venu, rendre au Parlement toute la part de responsabilité qui lui revient, à la faveur du rétablissement d'une relation franche, respectueuse et constructive entre la représentation nationale et le gouvernement. L'engagement qu'il a pris de rendre compte chaque année de son action au Parlement réuni en congrès, puisque la réforme de la Constitution voulue par Nicolas Sarkozy l'y autorise, est à cet égard de bon augure.
Autre page qu'il lui faudra tourner avec détermination et vigueur, pour extirper de notre pays quelques-unes des plus funestes idées qui le minent, c'est celle du dénigrement de l'Europe. La négation des progrès que la construction européenne a procurés à chacun des pays qui la composent, et plus particulièrement au nôtre, l'un des pays fondateurs, a trop longtemps prospéré et fourni aux démagogues de tous poils le combustible de leur funeste entreprise de démoralisation des Français. L'Europe doit redevenir pour notre pays un horizon désiré, une grande aventure partagée, un facteur de son développement et de son rayonnement. Le courage avec lequel Emmanuel Macron a assumé tout au long de sa campagne sa conviction européenne, l'engagement qu'il a pris de faire de la France la pionnière du redémarrage d'une construction européenne véritable, porteront rapidement leurs fruits.
L'élection à la présidence de la République française d'un homme âgé de 39 ans à peine est également une manière de marquer notre désir collectif de faire confiance aux générations nouvelles, de regarder l'avenir d'une autre manière, de ne pas avoir seulement peur du temps qui passe, mais également confiance dans le temps qui vient. Ce temps est désormais pour chacun d'entre nous le temps des attentes, celui des espérances, celui de la confiance. Il sera celui des enthousiasmes, des réussites et de la réconciliation des Français avec l'idée même que la politique sert à quelque chose. C'est ainsi que se tournera une autre page, celle du caractère morbide de la relation entre la politique et les citoyens, entre l'État et la société. C'est une formidable gageure que de réussir cette aventure-là. Dès le moment où il succédera à François Hollande, Emmanuel Macron saura la prendre à bras-le-corps. C'est donc bien pour lui qu'il faut voter le 7 mai, non seulement avec la conscience d'un devoir, mais encore avec l'enthousiasme d'une conviction.
Ma tribune publiée le 5 mai 2017 dans Le Point.fr.
Tribune par Jean-Jacques Aillagon, ancien ministre.
Le 7 mai prochain, Emmanuel Macron affrontera donc Marine Le Pen. En 2002, la qualification de Jean-Marie Le Pen pour le deuxième tour avait surpris et plongé l'opinion publique dans une véritable sidération. Le résultat du 23 avril dernier n'est-il pas, cette fois-ci, considéré, par trop de nos concitoyens, comme relevant d'une sorte de fatalité sans remède. Il est vrai que le Front national s'est, depuis 2002, installé dans le paysage politique et s'est, en quelque sorte, banalisé. Cela explique sans doute que la mobilisation pour faire barrage au FN soit, en apparence, quinze ans après cet épisode retentissant moins spectaculaire. Encore faut-il, pour nuancer ce regret, constater que la protestation s'exprime aujourd'hui différemment, sur d'autres espaces que celui de la rue, espaces qui agrègent l'audience et l'opinion, celui des réseaux sociaux. Facebook a été créé en 2004, Twitter en 2006.
D'une manière ou d'une autre, de quelque façon qu'elle s'exprime, la résistance à une normalisation du regard porté sur le FN demeure une nécessité parce que ce parti est une menace pour la France. N'annonce-t-il pas vouloir mettre en œuvre des politiques qui, exploitant toutes les inquiétudes du pays, lui seraient fatales, l'isoleraient dans le monde, l'éloigneraient de la construction européenne pourtant si nécessaire et dresseraient nos concitoyens les uns contre les autres. La France sortirait d'une telle épreuve pantelante, appauvrie, déchirée et affaiblie. C'est la raison pour laquelle, il faut toujours savoir opposer à la candidate issue du Front national, un autre front, un front républicain, vigoureux, sans état d'âme et militant. Pour tous les démocrates qui ne l'auraient déjà fait au premier tour, il y a donc désormais urgence à appeler à voter pour Emmanuel Macron, sans afféterie rhétorique, simplement et dignement, comme l'a fait, François Fillon lui-même, comme l'a fait Christian Estrosi.
Le vote pour le candidat d'En marche ! doit cependant ne pas être motivé que par cette seule nécessité de « faire barrage ». Il est également de nombreuses raisons positives de faire ce choix. Le projet politique et la candidature même d'Emmanuel Macron n'invitent-ils la France à se libérer du carcan que lui a imposé la trop longue opposition, mécanique et stérile, de la droite et de la gauche, dont l'alternance au pouvoir finissait par apparaître comme le seul objectif de la vie politique ? Face à ce lassant jeu de balancier qui a d'ailleurs fourni au Front national le terreau sur lequel il a prospéré, Emmanuel Macron invite à cette recomposition dynamique de l'espace politique qu'un précurseur comme François Bayrou avait si longtemps désirée. Ce n'est qu'à la faveur d'une telle recomposition qu'on saura, enfin, de manière plus généreusement partagée, construire pour la France de nouveaux équilibres, équilibre entre la liberté et l'égalité, équilibre entre le soutien à la prise de la responsabilité et le respect de la solidarité, équilibre entre les territoires pour lesquels l'avenir est une chance et ceux qu'accablent trop de difficultés, équilibre entre la fidélité à la Nation et la confiance en une Europe renforcée. Face à l'enfermement de la France dans son « terrier », pour reprendre la formule de Richard Ferrand, face à la vision étriquée de l'avenir de notre pays qu'impliquent les projets du FN, le projet d'Emmanuel Macron invite, lui, la France à embrasser de sa sollicitude son territoire tout entier et à dilater son regard, son action et son influence à l'horizon du vaste monde.
C'est cette audacieuse aventure que permettra, je l'espère, l'élection d'Emmanuel Macron à la présidence, de la République, le 7 mai prochain. Son combat contre Marine Le Pen est un combat de civilisation et pour la civilisation. Il renoue ainsi avec les meilleures traditions de la France, celles qui fondent l'universalité de son génie, de ses valeurs et de sa langue. À rebours du terrible rétrécissement que recouvrent des slogans comme « La France aux Français » et « On est chez nous », Emmanuel Macron propose de la culture, une vision ouverte, dynamique, généreuse et critique. Il rappelle que si la culture est génératrice de patrimoine et que ce patrimoine est un legs sacré, elle n'est pas pour autant un statu quo, qu'elle est un mouvement perpétuel, une incessante expérience, une nécessaire quête, une invitation à sans cesse tout reconquérir et tout réinventer. Il nous propose, dans la grande tradition de la scolastique parisienne du XIIIe siècle, illustrée par l'Italien Thomas d'Aquin et l'Allemand Albert de Cologne, dans la tradition d'Ambroise Paré, préférant l'expérimentation au dogme, dans celle de René Descartes, dans celle du siècle de l'Encyclopédie, dans celle de Pasteur et de Pierre et Marie Curie, de toujours préférer le doute aux certitudes trop établies, la recherche aux habitudes bien ancrées, le lendemain à la veille, le futur au passé.
Si le peuple français fait le choix de porter Emmanuel Macron à la magistrature suprême de notre pays, c'est une formidable image de la France qui sera donnée au monde, l'image d'une France réconciliée, d'une France qui aura fait le choix de la jeunesse, de l'intelligence, de la modernité, d'une France qui aura dit non à la régression, à l'aigreur et à la haine.
Ma tribune publiée le 27 avril 2017 dans Le Point.fr.
A Morlaix, je participe à une réunion publique de la campagne d'Emmanuel Macron. J'y parle, devant un auditoire, attentif et passionné, du projet culturel du candidat. Cela me permet aussi de prendre la mesure de la qualité et de la force de l'offre culturelle de cette sous-préfecture du Finistère, commune de 15.000 habitants environ, dans une agglomération communautaire qui en compte 35.000 et où se trouve le siège de l'un des grands quotidiens de l'Ouest, Le Télégramme, que beaucoup s'obstinent encore à dire "de Brest". Ce journal est très largement ouvert aux informations sur la vie culturelle et accomplit donc, à cet égard, une vraie mission d'intérêt général.
Ville d'art et d'histoire, Morlaix compte 23 édifices protégés au titre des Monuments historiques dont le viaduc ferré qui franchit la rivière marine, depuis 1863, et sera, à partir du mois de juin 2017, emprunté par les trains de la nouvelle ligne LGV permettant de relier Morlaix à Paris en 3 heures. Les 26 autres communes qui composent Morlaix Communauté, recèlent, elles aussi, de nombreux trésors patrimoniaux, en particulier, à Plouezoc'h, le grand Cairn de Barnenez, l'un des plus grands sites mégalithiques d'Europe, géré par le Centre des Monuments nationaux. Morlaix est cependant dans la situation de beaucoup de ces villes moyennes dont Yves Dauge vient de décrire, dans un rapport au Premier ministre, le risque de déclin des centres historiques, en invitant les pouvoirs publics à prendre la mesure du fait qu'il y a là, un nouvel enjeu pour leur action patrimoniale et culturelle. Malgré cela, et dans l'état actuel des choses, le tissu culturel de la ville reste d'une remarquable densité. C'est, en grande partie, le fruit de la détermination et de la coalition des efforts de tous les acteurs locaux. Le musée des Jacobins, fermé depuis trop longtemps, est désormais promis à une belle renaissance. Le conservatoire municipal, Le Patio, fait un travail déterminé d'initiation aux pratiques musicales. Trois bibliothèques, municipales elles aussi, dont "Les Amours jaunes", ainsi nommée en hommage à Tristan Corbière, natif de la ville, entretiennent le goût pour la lecture dont témoignent également plusieurs librairies dont la librairie Dialogues. Deux cinémas, La Salamandre, classé art et essai, et Le Rialto proposent une programmation variée. A Morlaix et dans sa communauté, le commerce des biens culturels est singulièrement vivace. Arte Diem diffuse avec exigence, du design contemporain. A Locquirec, la Galerie Réjane Louin propose des expositions ouvertes sur la création contemporaine la plus exigeante, très souvent attentive au travail des artistes femmes, célèbres, comme Shirley Jaffe, ou émergentes, comme Marta Caradec, en ce moment. À Morlaix, la culture c'est également la culture bretonne, l'apprentissage de la langue, avec une école diwan et la musique avec le Bagad Sonerien bro Montroulez. C'est également le Théâtre du Pays de Morlaix, ouvert à une programmation éclectique. Ce sont encore des festivals, celui du Bel été, consacré aux arts de la rue et, au printemps, le festival Panorama dont la programmation de musique électronique est réputée l'une des plus pointues de France.
Par la force des choses, ce tableau ne peut pas, dans l'espace d'une tribune, être exhaustif. Comment cependant ne pas souligner le fait que la qualité de cette vie culturelle tient beaucoup à la présence, sur ce territoire, de nombreux créateurs, des architectes comme la radicale Catherine Rannou, des peintres, comme Riccardo Cavallo, installé à Saint-Jean-du-Doigt ou Sophie Degano qui travaille à Lanmeur. C'est aussi à Morlaix que réside l'une des compagnies théâtrales les plus audacieuse de notre pays, L'Entresort, dirigé par Madeleine Louarn, qui préside actuellement le Syndéac – le syndicat (national) des entreprises artistiques et culturelles. Son "Ludwig, un roi sur la lune" a reçu un accueil enthousiaste au dernier festival d'Avignon. L'administrateur de sa compagnie, Thierry Seguin, pilote par ailleurs un important projet culturel, le SWE, qui ambitionne l'installation conjointe, dans l'ancienne Manufacture des tabacs, à côté d'un IUT, du cinéma d'art et d'essai La Salamandre, du théâtre de L'Entresort et de l'association WART qui organise Panorama, alors que déjà, une autre association, Les Moyens du bord, programme, dans les mêmes lieux, des expositions d'art contemporain et accueille des artistes en résidence.Tout cela donne à réfléchir sur la vitalité culturelle de notre pays, sur la chance que la culture procure à l'épanouissement de tous ceux qui vivent sur les territoires de la République, sur la part de responsabilité que prennent, dans le développement culturel, les collectivités locales, communes, départements, régions, sur le rôle que l'Etat doit continuer de jouer, avec l'ambition renforcée d'embrasser l'espace géographique et humain du pays tout entier. Il n'est jamais inutile de tenter de réfléchir ainsi à l'avenir de la politique culturelle de notre pays, non pas de façon convenue, en regardant le pays depuis Paris, mais en interrogeant le gouvernement depuis les territoires. Tous ceux que l'on y rencontre et à qui l'on parle, attendent, en effet, des collectivités publiques qu'elles ne laissent s'émousser ni leur capacité, ni leur désir de rester des acteurs convaincus de l'action culturelle. Leur attente ne s'adresse pas seulement aux collectivités proches, mais aussi, de façon éminente, à l'Etat dont ils souhaitent ardemment qu'il prenne à bras le corps sa mission de promoteur de l'aménagement culturel de l'espace national, qu'il réaffirme sa capacité, autant par sa parole que par son action, à exercer le magistère qui fonde son existence. Tous sont également attachés à ce que le désir de culture, sans lequel les œuvres deviennent des objets morts, anime la société toute entière et soit partagé par tous.On est là au cœur même du projet culturel d'Emmanuel Macron. Il appelle de ses vœux une large mobilisation en faveur du partage de la culture à laquelle participeront l'école, les associations, les établissements publics, les structures labellisées, les médias de service public, internet mais aussi, et de façon essentielle, les artistes eux-mêmes. C'est ainsi que l'on donnera corps, de façon plus consistante encore, au vieux rêve d'André Malraux : "rendre accessibles au plus grand nombre les œuvres capitales de l'humanité et favoriser la création des œuvres de l'art et de l'esprit qui l'enrichissent".
Ma tribune publiée le 5 mai 2017 dans Le Huffington Post.
François Fillon a renié l'héritage de Jacques Chirac, celui du dialogue des cultures et de l'ouverture. Un héritage relevé par le candidat d'En marche !.
Tribune par Jean-Jacques Aillagon, ancien ministre.
La personnalité politique de Jacques Chirac, telle que nous la connaissons, est issue d’une longue maturation, même si, comme l’a montré l’exposition que lui a consacrée le musée du Quai Branly, « Jacques Chirac ou le dialogue des cultures », le jeune homme qu’il avait été, dans les années d’après-guerre, portait déjà en lui la semence de ce qu’il deviendrait à la fin de sa carrière publique. Pendant longtemps, son amarrage politique a fait de lui un homme classiquement de droite, d’une droite parfois même abrupte et catégorique. C’est l’expérience politique mais aussi celle de la vie, la résurgence de son caractère profond, l’influence lointaine de ses aïeux, instituteurs, francs-maçons et radicaux socialistes, mais aussi une familiarité de plus en plus grande avec les cultures lointaines, qui en ont fait un autre homme, le héraut de la diversité des cultures et de leur dialogue.
C’est ainsi qu’il est devenu ce Maire de Paris, programmant, pour le cinquième centenaire de la découverte de l’Amérique, une exposition consacrée aux Taïnos, l’un des peuples de la Caraïbe décimés par la colonisation européenne, une exposition en forme de protestation contre la façon unilatérale dont l’Occident européen avait voulu faire et écrire l’Histoire.
C’est ainsi qu’il est devenu le Président de la République à l’origine du Pavillon des Sessions au Louvre, ce pavillon dans lequel les arts de l’Afrique, de l’Océanie et de l’Amérique précolombienne rencontrent les arts installés depuis longtemps dans le patrimoine de la culture européenne. C’est ainsi qu’il est également à l’origine du musée du Quai Branly, du département des arts de l’Islam au Louvre, de la Cité nationale de l'histoire de l'immigration, installée au Palais de la Porte Dorée. C’est ainsi qu’il a œuvré, avec le gouvernement de Lionel Jospin, à la reconnaissance de la traite et de l’esclavage en tant que crime contre l’humanité, par la loi du 21 mai 2001, et à l’institution d’une Journée nationale des mémoires de la traite, de l'esclavage et de leurs abolitions, désormais célébrée le 10 mai.
C’est ainsi qu’il a appuyé de toute son autorité la rédaction puis l’adoption par l’UNESCO d’une Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles. Cet engagement, dont la conviction et la force ont été saluées dans le monde entier, ne l’a cependant pas distrait d’un engagement tout aussi sincère en faveur des missions culturelles de l’État déjà enracinées dans l’expérience historique de notre pays. C’est ainsi qu’il sut prendre à bras le corps la question de la déréliction des Archives nationales dont il décida, en réponse à un rapport de Georgette Elgey et d’Annette Wieviorka, la création d’un nouveau site performant à Pierrefitte-sur-Seine.
C’est le même Jacques Chirac qui a su affirmer que la France devait assumer son histoire, toute son histoire, ses gloires et ses hontes, et qui, le 16 juillet 1995, à peine quelques semaines après son élection, prononçait le discours du Vel d’Hiv dont il a tant été question ces derniers jours.
De toute évidence, ce Jacques Chirac là, certains voudraient l’oublier, l’abolir, le renier.
N’est-ce pas déjà ce qu’avait tenté de faire son successeur à l’Élysée quand, à l’idée d’une identité heureuse, ouverte, lucide de la France, il avait, avec son ministère de l'Immigration, de l'Intégration, de l'Identité nationale, et son projet contesté de musée de l’Histoire de France, voulu substituer le recroquevillement de notre pays sur l’intégrisme de son supposé pré carré ?
C’est ce qu’a voulu faire, ces derniers jours, non sans provocation, Marine Le Pen, renouant avec les vieux réflexes anti-chiraquiens de son père. En remettant en cause la part de responsabilité que la France avait, hélas, pendant la dernière guerre, prise dans la persécution et le projet criminel d’anéantissement des Juifs, elle réveillait un débat apaisé depuis 22 ans.
C’est également ce que font et ne cessent de faire, à longueur de discours et selon des « éléments de langage » bien réglés, François Fillon et ses lieutenants quand ils excitent la vindicte de leurs troupes contre Emmanuel Macron au prétexte que le candidat d’En Marche aurait, pour s’adonner aux délices pervers du multiculturalisme, jeté aux orties la vraie « culture française » dont ils seraient, eux, les défenseurs.
Que François Fillon soit oublieux de la ligne d’ouverture au monde, dans sa diversité, sa richesse, sa mobilité, qu’à incarnée Jacques Chirac, n’est pas étonnant. Son univers n’est décidément pas le même que celui de l’ancien Président de la République. Son horizon s’est borné à trop de certitudes, alors que le moteur même de l’intelligence, de la culture, de la civilisation, réside dans le doute, la compréhension de la complexité des choses, la conviction que les métissages culturels, comme les autres, sont préférables à une endogamie sans cesse perpétuée.
On ne peut, en revanche, qu’être étonné, et même peiné, de voir une telle attitude endossée par certains qui se sont souvent, eux-mêmes, présentés comme des héritiers de Jacques Chirac, voire comme des « bébés Chirac », et qui aujourd’hui accompagnent le projet de conquête du pouvoir de l’ancien député de la Sarthe. Ils se rangent ainsi du côté d’Édouard Balladur, dont l’insistante présence au dernier meeting parisien du candidat de la droite et du centre en disait d’ailleurs long sur l’amarrage résolument droitier de ce candidat, définitivement étranger au radicalisme républicain de celui qui fut président de la France de 1995 à 2007.
L’héritage de ce Chirac-là est désormais passé ailleurs. C’est Emmanuel Macron qui l’a relevé. Son projet pour la France en atteste. Sa vision de ce que doit être l’engagement culturel de notre pays le prouve.
Ma tribune publiée le 14 avril 2017 dans Le Point.fr.